jeudi 12 novembre 2020

Docteur Frankenstein (2015)

 

Au palmarès des œuvres littéraires les plus souvent adaptées au cinéma, "Frankenstein" est assez bien placé. Le roman gothique de Mary Shelley eut droit à des traitements hétéroclites, affrontant aussi bien le Professeur Van Helsing que des Chimpmunks. On peut donc légitimement frissonner quand un long métrage s'empare une nouvelle fois du sujet. Affublé d'un "Docteur", histoire qu'on comprenne une fois pour toutes que le Frankenstein du titre est le savant et non sa créature, "Docteur Frankenstein" peina à rembourser son budget lors de sa sortie. 

Londres, au dix-neuvième siècle : ayant recueilli l'étrange Igor Straussman, clown bossu mais féru d'anatomie, dans un cirque, le Docteur Victor Frankenstein l'entraîne avec lui dans ses recherches. Dans sa quête pour percer les mystères de la vie, quitte à la créer lui-même, tous les moyens sont bons, y compris ceux qui défient la morale. 
Jusqu'où ira Frankenstein ? Et son ami Igor pourra-t-il le sauver de ses démons ?

Ce qui saute aux yeux, au visionnage de "Docteur Frankenstein", c'est l'esthétique, quelque part entre steampunk et réalisme. C'est aussi la frénésie de la mise en scène, qui va crescendo, comme si la folie qui dévorait le Docteur Frankenstein grignotait aussi le film tout entier. 

Paul McGuigan, repéré avec "Slevin" et "Push", a un parcours taillé pour le cinéma qui va vite et pour des histoires de gangsters modernes. L'avoir choisi pour "Docteur Frankenstein" peut sembler une erreur de casting ou (si l'on reste optimiste) un sacré défi. Hélas, il apparaît rapidement que ce challenge est relevé d'une drôle de manière, et que ce film est sans doute à ranger aux côtés d'un "Van Helsing", de par son traitement. Pour s'emparer d'un sujet déjà traité de maintes manières, souvent dévoyé, et dont on se demande si c'est bien la peine de s'acharner, Paul McGuigan cède aux sirènes de l'entertainment. Le fond le cède à la forme et, si celle-ci est réussie, elle ne parvient pas à cacher la vacuité de l'ensemble. 

Une direction d'acteurs défaillante, voire absente, alliée à une réalisation pas toujours maîtrisée et qui fait la part (trop) belle aux effets spéciaux et aux scènes d'action. Par moments, le film se prend même à être plus lyrique que la tentative de Brannagh, qui poussait le curseur du baroque un peu loin par moments. McGuigan, le pied à fond sur l'accélérateur, fait traverser à ses personnages leur époque sans prendre le temps de regarder le paysage, ni de s'interroger sur leurs motivations profondes. 

Daniel Radcliffe, dans une de ses nombreuses (et louables) tentatives d'échapper enfin à Harry Potter, fait la démonstration de son talent, dans un rôle pas toujours facile, mais passe rapidement dans l'ombre dès que James McAvoy est présent dans une scène. Ce dernier, gesticulant et envahissant, incarne un Victor Frankenstein à qui sa raison échappe autant que ses créatures, et peut agacer le spectateur, si ce dernier ne tient pas la distance. 

Fallait-il adapter encore une fois le roman de Mary Shelley, après qu'il eut subi tant de transpositions, pas toujours heureuses, sur le grand écran ? Le choix fait par Paul McGuigan pourra peut-être séduire des spectateurs indulgents ou peu exigeants, mais ceux qui attendaient de ce "Docteur Frankenstein" autre chose qu'une démonstration fébrile en seront pour leur frais. Nul doute que le célèbre docteur et sa créature reviendront, tôt ou tard, sur les écrans de cinéma, pour une meilleure (ou une pire, après tout) adaptation.





4 commentaires:

  1. Les fameuses sirènes de l'entertainment ! Si certains avaient la force d'y résister, peut-être qu'on retrouverait enfin des films grand public de qualité. Je sais que j'ai vu ce film parce que McAvoy et Radcliffe font partie de mes acteurs chouchous mais je n'en garde aucun souvenir (ce qui est triste. Ce n'est ni assez bon ou assez mauvais pour être mémorable).
    J'imagine qu'un remake, un reboot ou une nouvelle adaptation verra bientôt le jour pour nous proposer une nouvelle version. Peut-être que cette fois, le réalisateur lira le livre et aura à coeur de lui être fidèle.

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    1. J'ai trouvé, sur ce film, Daniel Radcliffe plus convaincant que James McAvoy. Mais force est de constater qu'il ne m'a pas laissé un grand souvenir (et sera probablement bientôt oublié). Merci du passage, Melissa !

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  2. Je te rejoins sur bien des points mais je te trouve sévère. Oui, énième adaptation et McGuigan tente de moderniser l'oeuvre ce qui est tout à fait louable tant on connaît déjà tout de l'histoire. Gros bémol par contre sur la partie rencontre entre Igor et Frankenstein.

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    1. Tu as raison, je suis sévère en ce moment, avec bien des films, d'ailleurs. Heureusement que certains avis sont plus positifs, ça me rassure toujours. Merci, Selenie !

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