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samedi 1 février 2020

Hector et la recherche du bonheur (2014)



Avec un casting solide et un thème dans son époque, "Hector et la recherche du bonheur" avait ses chances dans les salles obscures. Mais, à sa sortie, ce fut un four, au point que les spectateurs français durent attendre sa sortie en DVD pour le voir. Tiré d'un roman à succès, il s'agissait pourtant d'un film surfant sur l'air du temps : la recherche du bonheur, l'accomplissement de soi. Pourquoi n'a-t-il pas eu autant d'audience qu'espéré ? 

Psychiatre londonien, Hector s'interroge : c'est quoi, le bonheur, après lequel se patients courent en vain ? Et lui, d'ailleurs ? Il a tout pour lui : un métier épanouissant, une femme ravissante, une vie bien remplie, mais, au fond, sait-il ce qu'est le bonheur ? Alors, du jour au lendemain, il prend son sac à dos et décide d'entreprendre un grand voyage à la recherche de ce qu'est le bonheur. De la Chine à l'Afrique en passant par les Etats-Unis et le Népal, Hector va aller à la rencontre des autres, de lui-même et, qui sait ?, du bonheur. 

On songe à "La vie rêvée de Walter Mitty", en visionnant ce voyage initiatique aux quatre coins du globe, en regardant Hector faire ces rencontres enrichissantes (la plupart du temps) ou décevantes. Quand Hector remplit son journal de voyage, le ponctuant de maximes évidentes (de celles qui fleurissent ça et là, en ces temps où le développement personnel tient lieu de remède ultime), on se prend à espérer un film qui ferait du bien et le ferait joliment. Adapté d'un roman de François Lelord, le long métrage de Peter Chelsom ("Hannah Montana, le film" et "Potins mondains et amnésies partielles", par exemple) ne tient pas sa promesse, si tant est qu'il la fît. Lorsque cessent les pérégrinations d'Hector, on ne se sent pas mieux. Tout juste est on content que lui ait trouvé la paix de l'âme, ou plutôt la résignation. 

On pourrait aussi tiquer sur le choix des destinations d'Hector : atterrissant en Chine sans aucun problème, il se rend directement au Népal, par exemple. Quand on connaît la situation entre ces deux nations, on peut s'interroger : une étape de transition, dans le scénario, aurait été nécessaire, si vous voulez mon avis. De la même façon, lorsqu'Hector se retrouve en Afrique, nulle mention n'est faite du pays où il pose un instant ses bagages, comme si le Continent Noir était un seul et même pays. Cousin lointain (ou pas) de Tintin, Hector, psychiatre autant que son modèle était journaliste, court d'un pays à l'autre sans grand souci de vraisemblance.

Heureusement, il y a, pour sauver ce film, les interprètes et, à leur tête, un Simon Pegg à mille lieues de ses pitreries de la trilogie Cornetto. A lui seul, il sauve "Hector et la recherche du bonheur" du naufrage auquel le condamnaient sa réalisation et son scénario. On goûtera (ou pas) les prestations de Rosamund Pike (dont le personnage est assez inconstant et inconsistant), de Jean Reno et de Toni Collette (toujours aussi talentueuse), pour ne nommer qu'eux.

L'intention première du film était sans doute louable, mais sa maladresse, notamment en ce qui concerne sa réalisation et son approche des personnages, dont la psychologie est traitée sans finesse. On aurait aimé faire un joli voyage en compagnie d'Hector, mais la ballade qu'il fait autour du monde à la recherche du bonheur tourne en rond et pourra laisser le spectateur sur le bord de la route. Avec moins de maladresses, nul doute que le périple de ce drôle de psychiatre aurait pu donner un film moins oubliable.


samedi 2 novembre 2019

Venise n'est pas en Italie (2019)


On a tout lieu de se lamenter sur l'état actuel de la comédie française. A-t-elle changé à ce point, que seuls ses représentants les moins fins (je suis sûr que des noms vous viennent à l'esprit) décrochent la timbale, en termes d'audience ? Ou fais-je partie de ces nostalgiques d'un "avant" enjolivé ? Ivan Calbérac a déjà eu droit à un article sur ce blog pour "Irène", gentille comédie romantique menée par Cécile de France. Cette fois, c'est "Venise n'est pas en Italie", adaptation de son propre roman, qui, malgré une presse favorable, ne reçut pas le succès public attendu. 

Emile a une drôle de famille. Entre sa mère, qui vend des paniers bio et lui décolore les cheveux pour qu'il soit plus beau et son père, qui chante fort au volant et joue les VRP, ce drôle de clan vit en caravane en attendant que la construction de la maison familiale puisse avancer. 
Parce que la fille qui le fait craquer, au collège, l'invite à la voir en concert, à Venise, Emile se retrouve sur la route, avec cette encombrante famille dont il a parfois honte. Commence alors un drôle de voyage en caravane. 

Vous l'aurez compris, c'est à un road-movie familial qu'on a affaire ici. "Venise n'est pas en Italie" n'est pas le premier du genre mais il faut bien avouer qu'il ne démérite pas. Aussi étonnant que cela paraisse, cette comédie familiale est bien plus drôle que nombre de films français sur le même créneau. Je songe évidemment à certains films qui drainèrent dans les salles des millions de nos concitoyens, sans me tirer un éclat de rire (mais je suis peut-être un monstre froid, allez savoir). 

Même si ce n'est pas un grand film, "Venise n'est pas en Italie" a pour lui une chaleur qui fait du bien. Irène", par exemple : il ne fait pas rire aux dépens de ses personnages (le travers de nombre de comédies, si vous voulez mon avis), mais rend ceux-ci attachants autant qu'ils peuvent se montrer agaçants. A l'image d'Emile, le spectateur est d'abord agacé par la fantasque famille menée par Benoît Poelvoorde, puis s'attache à elle. Joli tour de force, si vous voulez mon avis. Avec cette petite comédie, Ivan Calbérac confirme ce qu'on avait déjà perçu dans "Irène" et "Une semaine sur deux (et la moitié des vacances scolaires)" : il aime ses personnages et sait les faire aimer du public.

Doté d'un réel équilibre et porté par des comédiens convaincants (Benoît Poelvoorde touche ici l'un de ses meilleurs rôles depuis longtemps et les jeunes acteurs du casting pourraient en remontrer à quelques acteurs plus installés), "Venise n'est pas en Italie" est une bonne surprise. Pour une comédie française, c'est étonnant. Même s'il ne s'agit pas d'un film incontournable, "Venise n'est pas en Italie" méritait mieux que le sort qui fut le sien lors de sa sortie dans les salles obscures. Grâce à ses personnages et à la façon dont le réalisateur les traite, ce long métrage porte une chaleur et une sincérité salutaires.



mardi 30 juillet 2019

Yao (2018)





Omar Sy, ancien trublion de la télévision, est devenu l'un des acteurs préférés des Français. Ayant même tenté l'expérience hollywoodienne (avec un bonheur tout relatif), l'ancien complice de Fred Testot a, c'est le moins que l'on puisse dire, réussi sa reconversion. De "Samba" à "Jurassic World", il a été sur tous les fronts, souvent à la rencontre d'un large public, souvent ravi de le retrouver. Cependant, avec "Yao", c'est une histoire lui tenant à cœur qu'il proposé au public, devant la caméra de Philippe Godeau. Pour le coup, le triomphe ne fut pas au rendez-vous.


Yao, jeune Sénégalais de 13 ans, admire plus que tout l'acteur Seydou Tall. Quand ce dernier, retrouvant son pays d'origine, se rend à Dakar pour la sortie de son nouveau livre, Yao n'hésite pas et prend la route pour obtenir une dédicace de son idole, quitte à fuguer et à traverser une bonne partie du pays. 
Ému par son jeune admirateur, Seydou décide de le raccompagner jusqu'à son village. Commence alors un voyage qui a des allures de retour aux racines pour le grand acteur. 



Voyage initiatique, "Yao" a, si l'on en croit le réalisateur Philippe Godeau, était écrit spécifiquement pour Omar Sy. Et c'est vrai qu'on imagine mal tout autre interprète que lui dans le rôle de cet acteur retrouvant ses racines dans le sillage d'un enfant déterminé. Évoquant également le rôle du père, la musique, les différences culturelles, de nombreux thèmes qui peuvent s'avérer autant de chausses-trappes. Au visionnage, il faut reconnaître que "Yao" ne s'en sort pas trop mal, surtout parce qu'il porte une vraie sincérité, qualité absente de bien des films. 

C'est surtout grâce à l'interprétation impeccable de ses deux acteurs principaux que "Yao" obtient rapidement ce capital-sympathie, comme on dit. Omar Sy, souvent émouvant dans un rôle taillé sur mesure pour lui, est irréprochable, mais c'est surtout le jeune Lionel Basse, épatant dans le personnage donnant son titre au film, qui force l'enthousiasme. Tour à tour attendrissant et agaçant, le jeune garçon campe parfaitement Yao, garçon têtu parce que passionné, qui en apprendra finalement beaucoup à celui qu'il guide, contre toute attente. 

Sincère, généreux, humain, "Yao" a cependant, par moment, des allures de carte postale qui lui font du tort. A plusieurs reprises, comme s'il avait du mal à "remplir" son film, Philippe Godeau passe par des séquences qui semblent n'avoir que peu de rapport avec les deux protagonistes et donne l'impression de visiter le Sénégal, sous plusieurs angles. Si ces moments ont leur intérêt, ils nuisent au reste du film. 

Ce voyage initiatique en terre sénégalaise autant que vers les racines d'un homme mené par un enfant, s'il n'est pas exempt de reproches, constitue un joli périple. Sans être inoubliable, "Yao" reste une jolie ballade, qui a le mérite de faire une proposition peu commune aux admirateurs d'Omar Sy. 










lundi 15 avril 2019

A deux heures de Paris (2018)


Les plus fidèles et attentifs des lecteurs de ce blog s'en souviendront peut-être : j'avais relayé ici-même l'appel à financement participatif lancé par Virginie Verrier, jeune réalisatrice, pour le film "A deux heures de Paris". Depuis, le projet a abouti et, après quelques cahots, le film a été projeté dans quelques salles obscures, avant de poursuivre sa vie en vidéo (rares furent les cinémas qui l'accueillirent).

Quand Lolo, sa fille de quinze ans, demande à Sidonie, fringante trentenaire, qui est son père, les deux femmes s'embarquent pour la Picardie natale de Sidonie. Là, ils sont cinq hommes qui ont marqué sa vie, tous différents. Lequel d'entre eux est le père de Lolo ? Sidonie le sait-elle, seulement ? En retournant sur les terres de son passé, la mère va se confronter à son vécu. Pour les deux femmes, plus rien ne sera comme avant.

Je vais essayer d'être objectif et d'oublier les désagréments rencontrés lors du financement participatif (milieu dans lequel on rencontre le meilleur, mais surtout le pire). Focalisons-nous sur le film, donc et oublions les aléas et maladresses du projet.

Un road-movie est, d'ordinaire, l'occasion pour les personnages d'un film de se reconstruire ou de découvrir un pan de leur personnalité qu'ils ne connaissaient pas. Cette figure classique du cinéma a été maintes et maintes fois déclinée, avec plus ou moins de bonheur. Dans le cas de "A deux heures de Paris", le peu de route que font les deux héroïnes n'en reste pas moins un voyage intime qui pouvait être riche. La quête du père est ici un prétexte pour emmener les deux héroïnes, la mère et la fille, sur les terres du passé, pour y retrouver ceux qu'elle aima, plus jeune.

C'est surtout la trajectoire à l'envers de Sidonie, qui retrouve sa famille, ses amis, ses amants, qui est l'objet de ce film, tant le personnage de Lolo semble en retrait, comme spectatrice de ce que fait sa mère. Il faut dire qu'Erika Sainte, qui incarne celle-ci, est particulièrement brillante et s'impose d'emblée. Dans son sillage, même si on est content de les retrouver, les seconds rôles paraissent plus pâles.

On songe à Sautet, lors des pérégrinations de l'héroïne, avec ces trajets en voiture et sa façon d'aligner clope sur clope. On y pense d'autant plus fortement que la dite héroïne a sans doute pour modèle la femme libre qu'incarna si souvent la divine Romy Schneider devant la caméra de Claude Sautet. Même si "A deux heures de Paris" est loin des grands classiques réalisés par ce grand monsieur du cinéma français, ce petit film a quelque chose qu'on aurait voulu voir se développer un peu plus. Gageons que sa réalisatrice transformera l'essai.





samedi 16 février 2019

#Chef (2014)


On connaît Jon Favreau pour ses réalisations estampillées Marvel et ses rôles, souvent secondaires, dans ces mêmes films ("Iron Man", par exemple). L'homme s'est écarté pour un temps des grosses machines hollywoodiennes, il y a quelques années, pour évoquer le parcours d'un chef cuisinier revisitant son métier et, du même coup, sa vie. "#Chef", puisque c'est de ce film qu'il s'agit, n'avait pas remué les foules, de notre côté de l'Atlantique. La France, pays de la gastronomie (paraît-il), aurait-elle snobé un film célébrant la bonne chère ?

Carl Casper est aux fourneaux depuis des années et aimerait innover, bien que son patron lui interdise de produire autre chose que les plats qui ont fait sa gloire. Et quand un critique acerbe lui reproche de se cantonner à sa routine, le chef explose et envoie tout le monde promener. Embarquant avec lui son fils, il décide de revenir aux basiques et, à bord d'un food-truck, repart de zéro, ou presque. Un long voyage commence, pour lui...


Il y a du road-movie dans "#Chef" et aussi du feel-good movie. Les protagonistes principaux débordent en permanence d'une énergie étonnante, parfois excessive, souvent communicative. Le voyage y est aussi personnel : même si l'on ne doute jamais de sa réussite (tant il franchit les embûches facilement), Carl Casper se reconstruit à bord de son camion, redevenant à la fois le chef, le père et le mari qu'il aurait toujours voulu être. La success-story (promis, j'arrête les anglicismes) racontée par Jon Favreau peut paraître caricaturale, parfois, mais a sans doute l'immense mérite d'être sincère. 

Dans sa ballade derrière les fourneaux, John Favreau a convié quelques-uns de ses copains, notamment ceux de l'écurie Marvel. Cela ressemble parfois à du copinage, au point que les personnages incarnés par Scarlett Johansson ou Robert Downey Jr, par exemple, n'apportent pas grand-chose au film, leurs scènes ne débouchant pas sur grand-chose pour l'histoire qui est narrée, et nuisant parfois à l'authenticité du propos. Au chapitre des bémols, on déplorera aussi la dernière partie du film, sans doute la moins réussie. Ayant pris tout son temps dans la première phase, John Favreau se voit obligé de refermer tous ses arcs narratifs en deux temps, trois mouvements, quitte à bâcler ce qu'il avait pris le temps de nous mitonner depuis le début.

Malgré ses quelques défauts, "#Chef" est plein d'énergie et de sincérité. Voyage plein de saveurs et d'enthousiasme, ce film appétissant n'a rien de mémorable. A l'image des sandwiches vendus à bord du "El Jefe", il permet de passer un bon moment, mais, sitôt digéré, sera vite oublié. 


vendredi 9 novembre 2018

L'extraordinaire voyage du fakir (2018)



C'est presque inévitable : lorsqu'un roman rencontre un joli succès en librairie, son adaptation au grand écran suit, dans la foulée, sa déferlante littéraire. Le livre de Romain Puertolas, "L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea" n'échappa pas à la règle. Mais, comme cela arrive régulièrement, le film ne rencontra pas le même engouement que l'oeuvre originelle, lors de sa récente sortie. La faute à qui, à quoi ? En ces temps où une pincée de bienveillance est la bienvenue, penchons-nous sur ce film, réalisé par Ken Scott, déjà remarqué pour son "Starbuck" (dont le remake français, "Fonzy", eut l'honneur de ces colonnes).

A la mort de sa mère, Aja, jeune Indien un peu magicien, un peu voleur, décide de partir pour Paris, en quête de son père, qu'il n'a jamais connu. Bien décidé à devenir riche et heureux, il ne sait pas encore qu'il commence un drôle de périple. Tout commence par une visite dans une célèbre enseigne suédoise, qui le fait rêver depuis tout petit, et où il rencontre l'amour, mais aussi l'aventure, et de nombreuses rencontres...
Et si la vraie richesse était celle qu'on trouve dans chaque rencontre, après tout ? 


On se doute bien, même sans avoir lu le roman dont le film est tiré (en perdant au passage une partie de son titre), que le voyage en question est un prétexte et qu'on est ici en présence d'une fable, humaniste et positive. N'est cependant pas Capra qui veut et, dans ce registre, il est très facile de s'engluer dans la guimauve et le pontifiant. La méfiance était donc de mise, mais, à quelques réserves près, force est de reconnaître que Ken Scott réussit son coup. 

C'est d'abord parce qu'il évite d'angéliser son héros que le réalisateur de "L'extraordinaire voyage du fakir" donne à son film tous les atouts nécessaires. Et, ensuite, parce que ses interprètes donnent vie à cette fable avec un bel enthousiasme. En tête, on signalera évidemment, Dhanush, star du cinéma tamoul, emporte le spectateur dans son périple et il est difficile de lui résister, même lorsque son personnage mériterait quelques claques. 
Le voyage du héros, pour initiatique qu'il soit, va lui faire voir du pays et, surtout, l'amener à rencontrer quantité de personnes différentes : on citera les passages de Bérénice Béjo, de Gérard Jugnot (pas le plus convaincant, surtout en version originale, il faut bien l'avouer) ou d'Erin Moriarty. 

L'autre gros atout de ce film de voyage est la façon dont ses décors sont filmés. N'évitant pas toujours les clichés (un air d'accordéon dès que le héros pose le pied en France, c'était dispensable), Ken Scott fait voyager son spectateur dans de jolis décors, sans oublier d'en montrer l'envers du décor, lorsque c'est nécessaire. Qu'il s'agisse de Rome, de Paris, de Mumbai ou de la Lybie, le film traverse l'espace (et le temps) pour livrer son histoire. Certes, celle-ci est parfois naïve, mais comme toute fable, elle contient un message qu'on aurait aimé plus entendu. 

Pas exempt de défauts, "L'extraordinaire voyage du fakir" peut être l'occasion d'un joli voyage. S'il ne surprendra guère son spectateur, ce film peut cependant faire du bien. Une fois de temps en temps, il est bon de s'offrir une petite bulle de ce genre.




vendredi 31 août 2018

Paris Willouby (2016)




On peut dire plein de choses, avec un road-movie. Un voyage, seul ou accompagné, est souvent intérieur et, tout en découvrant de nouveaux horizons et de nouveaux personnages, on peut faire rire, faire pleurer, émouvoir et secouer un peu le spectateur. Les réussites sont légion, au cinéma, dans ce registre. Les échecs aussi. Récemment, parce qu'il mettait en vedette Isabelle Carré (qui, comme mes lecteurs le savent, fait partie des raisons pour lesquelles je peux me pencher sur un film), j'ai visionné "Paris Willouby", l'un des flops du cinéma hexagonal de 2016. 

Claire, divorcée et mère d'Alexandre est remariée avec Maurice, qui a une fille, Lucie. De cette nouvelle union est née Prune, une petite fille curieuse de tout. Mais cette famille recomposée accueille aussi Marc, le frère de Claire, dont Angélique, la petite amie, enceinte, vient de partir, puisqu'il est incapable de s'engager. Quand Claire apprend la mort de son père, qui n'a plus donné de nouvelles depuis sept ans, elle entraîne toute la tribu, pour se rendre aux obsèques de celui-ci. Le voyage ne sera pas de tout repos. 

Si l'intrigue de "Paris Willouby" vous dit quelque chose, c'est probablement à cause de sa très grande proximité avec celle du très réussi "Little Miss Sunshine". Lui aussi réalisé par un duo (aux manettes, Quentin Reynaud et Arthur Delaire, aussi acteurs), "Paris Willouby" souffre trop de la comparaison avec son modèle pour prétendre être plus qu'un simple décalque. En suivant les pérégrinations d'une famille s'entassant dans un monospace pour se rendre à l'enterrement du père absent, la famille Guilby-Lacourt, au gré de son voyage, perd peu à peu l'affection des spectateurs qui auraient pu s'intéresser à elle.

Pour qu'un road-movie fonctionne (et, d'ailleurs, c'est valable pour nombre de films), il faut que les personnages aient quelque chose à perdre ou à gagner. Faute d'enjeu véritable pour les personnages principaux, la balade se résume vite à quelques règlements de compte et quelques éclats qui ne sont jamais exploités sur la durée. Et ce n'est hélas pas du côté de l'interprétation qu'il sera possible de se consoler. On a beau adorer Isabelle Carré, ce n'est pas ici qu'elle trouve son meilleur rôle et la lumière qu'elle apporte d'habitude à un film est ici bien terne. Face à elle, Stéphane de Groodt et Alex Lutz sont peu convaincants, une fois de plus (il va falloir que je trouve le moyen de me réconcilier avec ces deux acteurs), tandis que les plus jeunes de la distribution ne s'en sortent pas trop mal.

Il est possible de se consoler avec la bande originale, assurée par le groupe Gush (dont un troisième album serait le bienvenu, ceci est un appel), qui est sans doute la meilleure idée du film et confère aux scènes qu'elle illustre une énergie communicative.

A trop s'inspirer d'un modèle qui convainquit tout le monde ou presque, "Paris Willouby" singe trop souvent, et bien maladroitement, le très chouette "Little Miss Sunshine" : il ne suffit cependant pas de mettre une famille un peu bancale sur la route pour faire un film réussi. Ça se saurait.


lundi 8 janvier 2018

Crash Test Aglaé (2017)



Ce n'est un secret pour aucun des lecteurs réguliers de ce blog : j'apprécie tout particulièrement les comédies dites "sociales", celles où, partant d'un des nombreux drames que vivent des gens dits "normaux", on se rend compte des ressources de l'homme et qu'on apprend à rire des célèbres "accidents de la vie". S'il existe un maître-étalon dans ce registre, il est sûrement britannique : de "The Full Monty" à "La part des anges", Albion nous a montré maintes fois sa résilience et su nous parler de crise, en nous faisant sourire pour mieux réfléchir ensuite. Quelques tentatives hexagonales furent à noter, ces dernières années : je songe par exemple à "Discount" ou aux "Femmes du sixième étage". En lisant le pitch de "Crash Test Aglaé", totalement passé sous le radar lors de sa sortie, j'ai cru (bien que l'affiche annonçait clairement un road-movie) à une comédie sociale bien ancrée dans son époque, puisque tout y commençait par une délocalisation. Ce premier film d'Eric Gravel méritait-il mieux ?

Aglaé aime que tout soit bien réglé, dans sa vie et dans son métier de contrôleuse en crash-test. Alors, lorsque son usine est délocalisée en Inde, elle accepte (à la surprise des ressources dites "humaines" de son entreprise) d'aller jusque là-bas, pourvu qu'elle retrouve son poste. Entraînant dans son sillage, Liette, en mal d'enfant, et Marcelle, une sexagénaire obsédée par la propreté et l'ordre. Voilà nos trois commères parties vers l'Inde : la route sera longue et les rencontres nombreuses...

On pouvait s'attendre, en lisant le pitch de base, à un film social, disais-je, en espérant toucher du doigt la réussite en la matière des modèles britanniques. Mais non, très vite, "Crash Test Aglaé" prend son spectateur par surprise et se mue en road-movie au féminin. Pour une fois, donc, l'affiche n'est pas mensongère : ça fait un bon point pour ce film. Mieux encore, "Crash test Aglaé" s'avère plutôt réussi, car souvent touchant, parfois drôle et toujours humain.

C'est en grande partie grâce à ses trois interprètes principales que ce film peut se targuer de réussir son joli coup. En tête, India Hair, qui ne m'avait jusque là pas franchement convaincu, réussit à montrer toutes les facettes de son personnage, évoquant tour à tour la part enfantine et la féminité. A ses côtés, Julie Depardieu prouve qu'elle n'est pas qu'un patronyme et est souvent émouvante. Enfin, Yolande Moreau, la plus décapante de la bande, même si elle n'est pas présente aussi longtemps qu'on l'aurait souhaité, est tout simplement épatante. A elles trois, elles réussissent à exposer la femme mieux que bien des films plus prétentieux ne l'ont fait auparavant.

Certes, "Crash Test Aglaé" n'est pas parfait, loin de là et on pourra lui reprocher quelques séquences tournant à vide ou quelques errements qui pourraient égarer le spectateur. Cependant, ce film est une vraie proposition, et à ce titre, mérite plus qu'un coup d’œil.


Ce film a été vu dans le cadre du Movie Challenge 2018, pour la catégorie 
"Un film avec un prénom dans le titre"


vendredi 2 juin 2017

Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire (2013)


C'est assez fréquent : un succès de librairie est souvent suivi de son adaptation au grand écran, en général couronnée d'un joli succès. Donnant au lecteur ravi la possibilité de prolonger son plaisir initial au cinéma, les producteurs font en général mouche, avec une recette qui a fait ses preuves. Seulement, il n'existe pas de martingale ultime dans ce domaine (heureusement, d'ailleurs) et qui dit succès sur les étagères des libraires ne signifie pas raz-de-marée dans les salles obscures. Dans le cas du roman "Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire" de Jonas Jonasson, en France en tout cas, ce fut loin d'être l'affluence dans les rares cinémas qui projetèrent son adaptation.

Allan a cent ans et s'ennuie dans sa maison de retraite, où il réside malgré lui. Alors que tout le monde s'apprête à fêter son centenaire, il décide de fuguer et prend le premier train qui passe. Seulement, Allan a le don de s'attirer des ennuis et d'y entraîner pas mal de monde. Dans son sillage, il va se faire des nouveaux amis, récupérer une valise contenant cinquante millions de couronnes et énerver pas mal de monde. Mais Allan en a vu d'autres, en un siècle où il côtoya pas mal de personnages...

On est souvent méfiant, lorsqu'un roman qu'on a lu est transposé à l'écran. Pour une adaptation réussie (je songe notamment à "L.A. Confidential"), combien de trahisons ? Certes, la tâche des scénaristes en charge de la conversion du papier à l'écran de cinéma est loin d'être aisée. Il leur faut souvent trancher dans le vif, sacrifier des chapitres entiers, procéder à des aménagements qui feront hurler les fans du matériau originel, pour souvent finir par échouer, fût à demi. Dans le cas du "Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire", on est rapidement soulagé. Le ton, souvent décapant, du roman, est présent à l'écran. C'est déjà un bon point. Ensuite, les personnages sont (en tout cas, c'est mon ressenti) fidèles à la façon dont ils étaient perçus lors de la lecture du livre.

Ce retour positif est sans doute du au fait que l'adaptation ait été réalisée en Suède, par un réalisateur suédois, et qu'on échappe au passage à la moulinette hollywoodienne qui fit souvent beaucoup de dégâts dans ce registre. Felix Herngren, le réalisateur, fit ses armes à la télévision et livre ici un film souvent nerveux, rythmé, ponctuant sonroad-movie de gags qui fonctionnent aussi bien qu'ils le faisaient dans le livre. 

Entre l'intrigue (à peine) policière dont Allan est le centre et ses souvenirs d'un siècle pour le moins agité, "Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire" garde son énergie presque sans défaillir, grâce à une mise en scène nerveuse, et à des acteurs impeccables (quoique tous inconnus, en ce qui me concerne). Voici, s'il en était besoin, la preuve qu'un roman peut fournir matière à un film fidèle.

Ce film a été vu dans le cadre du Movie Challenge 2017, dans la catégorie "Un film adapté d'un livre que j'ai lu".



jeudi 11 février 2016

Je suis mort mais j'ai des amis (2015)


Alors que son tout récent "Les premiers les derniers" est à l'affiche, il m'a paru intéressant d'évoquer un des films où apparaissait récemment Bouli Lanners, acteur pas assez connu (et reconnu) à mes yeux. Mis en scène par Guillaume et Stéphane Malandrin, "Je suis mort mais j'ai des amis" promettait un esprit rock'n roll (à tous les sens du terme) trop souvent absent des long métrages actuels. Sans doute ce film franco-belge était il trop atypique, puisqu'il ne draina pas les foules lors de sa sortie.

Ce n'est pas parce qu'on est quinquagénaire qu'il faut ranger les guitares électriques et cesser de suivre le rock'n roll way of life. 
Ce n'est pas parce que le micro rend l'âme qu'il faut arrêter de chanter. 
Ce n'est pas parce que le chanteur du groupe meurt dans un accident bête qu'il faut renoncer à une tournée américaine. 
Ce n'est pas parce que ses amis découvrent qu'il avait un amant depuis plusieurs années qu'il faut être déçu.
Quand on est rockers et amis, c'est pour la vie.

Dès les premières scènes de "Je suis mort mais j'ai des amis", le ton est donné : le groupe dont il est question est de ceux qui jouent au fond des bars, éclusent des litres de bière et sont soudés comme on l'est rarement. Ceux-là ne rempliront jamais les grandes salles ou les stades, mais resteront authentiques toute la vie, voire même après, puisque c'est le propos du film. Après la mort idiote de leur leader et chanteur, les membres survivants entraînent le spectateur dans une épopée digne des Pieds Nickelés.

Pour filmer cette odyssée faite de bric et de broc, Stéphane et Guillaume Malandrin ont choisi de filmer à hauteur d'homme, au plus près de leurs héros. Malgré un scénario qui paraît parfois improvisé et absurde (mais ce critère est ici hors de propos), on se surprend à accrocher à cette fable rock'n roll, tout sauf sérieuse, mais traitant de sujets profonds. On rit souvent, on est ému également, bref : "Je suis mort mais j'ai des amis" provoque des réactions du côté du myocarde et des zygomatiques. Nombre de films dont le budget paraîtrait pharaonique au regard de celui de ce petit film franco-belge ne peuvent se targuer de produire cet effet.

Mais le plus enthousiasmant dans "Je suis mort mais j'ai des amis" reste sa distribution : qu'il s'agisse du formidable Bouli Lanners, de Wim Willaert (que ce film m'aura permis de découvrir), de Serge Riaboukine (décidément trop rare), de Lyes Salem ou de Jacky Lambert, tous sont épatants de naturel et d'énergie. Souvent, c'est l'élan qu'ils suscitent qui confère de l'intérêt au film. Malgré leurs travers, leurs caractères, on apprend vite à aimer ces personnages, profondément humains et sans doute inspirés par de vrais rockers rencontrés ça et là.

Alors, malgré l'impression de bricolage qu'il laisse souvent, l'énergie et l'humanité de "Je suis mort mais j'ai des amis" sont communicatives, en grande partie grâce à ses interprètes. Enfin, cerise sur le gâteau, la bande originale est à la hauteur (un film qui permet d'entendre les Olivensteins ne peut être forcément mauvais).


mardi 12 janvier 2016

A love you (2015)


J'avoue n'avoir jamais entendu parler de "A love you" avant son visionnage, malgré le Prix Spécial du Jury au Festivat de l'Alpe d'Huez qu'il revendique son affiche. Cela dit, les affiches sont parfois trompeuses, puisque la route que les deux héros attaquent sur celle-ci semble pavée de critiques dithyrambiques (dont je n'ai trouvé trace nulle part). Revendiquant l'héritage de classiques du cinéma comique français (je cite, en vrac, "Marche à l'ombre", "Les valseuses" ou "La chèvre"), "A love you" allait-il être le film qui me réconcilierait avec la comédie hexagonale ?

Après une soirée plutôt arrosée et une nuit inoubliable avec une belle inconnue, Manu découvre au réveil un mot de celle-ci lui donnant rendez-vous à Avignon. Ni une ni deux, il convainc son ami Fred de l'emmener là-bas pour retrouver celle qu'il pense être la femme de sa vie. Voilà donc les deux potes, qui ont finalement nombre de différences, partis à l'aventure sur les routes de France, pour un périple qui va prendre des allures inattendues.

Ça partait mal. Après le logo "EuroCorp" (de sinistre augure, au vu du passif du studio) et un générique louchant fort du côté de "Very bad trip", le film semblait viser une case qui n'avait rien d'attirant. Mais, après quelques minutes et une poignée de gags pas forcément utiles, "A love you" prend la route et embarque son spectateur, en compagnie de deux losers dont on sait qu'ils sont inséparables.

Les deux interprètes principaux, Antoine Gouy et Paul Lefèvre (ce dernier étant par ailleurs le réalisateur), bientôt rejoints par la délicieuse Fanny Valette, mettent toute leur énergie au service de l'histoire improbable contée par "A love you". Croisant des personnages hauts en couleur (on retrouve avec plaisir l'immense Dominique Pinon, dans une des plus jolies séquences du film), les jeunes protagonistes compensent leur peu d'expérience par une sincérité qui fait souvent mouche. En équilibre entre comédie (parfois à la limite du trash, c'est vrai) et voyage en territoire sensible, "A love you" s'avère, pour la plus grande surprise du spectateur, une vraie réussite. 

Doté d'un budget sans doute ridicule au regard de ceux attribués aux films auxquels EuroCorp nous a habitué, "A love you", fait de bouts de ficelles et de bonnes vannes, évite l'écueil du recours systématique à l'humour gras qui fait pourtant florès ces derniers temps (suivez mon regard). S'il a recours de temps à autre à un coup sous la ceinture, il est souvent drôle et émouvant. La filiation avec les ancêtres du film "en tandem" semble finalement avérée, aussi étonnant que cela soit. 

Lorsqu'il s'attarde avec tendresse sur ses personnages, c'est là que "A love you" est le plus réussi. Malgré les énormes réticences que l'on pouvait avoir devant son affiche et son introduction, c'est avec plaisir qu'on suit les deux amis qui tiennent "A love you" sur leurs épaules. ce n'est pas la comédie du siècle et encore moins celle de l'année, mais c'est un film qui s'assume et réussit sa mission : pas mal pourraient en prendre de la graine.





mercredi 22 janvier 2014

L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet (2013)


Qui aurait cru, il y a une quinzaine d'années, que Jean-Pierre Jeunet, auréolé du triomphe de son film "Le fabuleux destin d'Amélie Poulain", aurait du mal à trouver son public ? Pourtant, les deux derniers films du réalisateur d'"Un long dimanche de fiancailles" sont loin d'avoir atteint les espoirs mis en eux : "Mics-macs à Tire-Larigot" et, plus récemment, "L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet" ont déçu lors de leur sortie. 

Dans son Montana natal, le petit T.S. Spivet a une drôle de famille. Son père, un cow-boy bourru pur et dur, n'a que peu de chose en commun avec sa mère, passionnée d'insectes . Quant à sa sœur aînée, Gracie, elle ne rêve que de devenir actrice. Le petit T.S., surdoué de surcroît, est donc bien peu à son aise dans pareille tribu. Sur cette famille, pèse l'ombre du frère (faux) jumeau de T.S., qui était tout son contraire et a été tué suite à un tragique accident. 
Quand T.S. apprend qu'il va recevoir un prix pour l'une de ses inventions (qui met en oeuvre rien moins que le mouvement perpétuel !), il entreprend, tout seul, de partir pour Washington, malgré les dangers qui attendent un enfant de 10 ans.

Une chose est sûre : Jean-Pierre Jeunet a une touche et un univers bien à lui, qui rendent reconnaissables entre mille les images qu'il nous délivre. Dans "L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet", la Jeunet Touch est intacte : techniquement irréprochable, bourré des petits détails qui charment les admirateurs du réalisateur (et agacent ses détracteurs), son dernier opus a pour lui sa forme, irréprochable (hormis, quitte à me répéter, par ceux qui ne supportent pas le papa d'Amélie Poulain).

Si le film s'était effectivement contenté de décrire le voyage que fait T.S. Spivet jusqu'à Washington, la mission de Jean-Pierre Jeunet aurait été remplie avec brio.
Seulement, il y a un hic.
Contrairement à ce qu'annonce le titre, le voyage qu'entreprend le jeune héros du film ne remplit pas la totalité du long métrage, loin s'en faut. Arrivé assez tôt à destination (alors que ce périple aurait pu être l'occasion de maintes rencontres hors du commun), T.S. Spivet devient, dès qu'il arrive à Washington, le centre d'intérêt d'un film qui n'a plus rien à voir avec ce que promettait l'affiche (et le titre, et la bande-annonce, et nos espoirs déçus, d'ailleurs). C'en est rapidement fini du voyage, de la chaleur humaine et du brin de folie que véhiculait le film, au passage. Sur ce qui reste du film, le scénario pédale souvent dans le vide et l'on a hâte que T.S. Spivet puisse retourner chez lui, pour en finir avec le mélodrame dans lequel s'est embourbé Jeunet.

Malgré le talent des acteurs qui donnent vie à ses personnages, et son immense maîtrise technique, le metteur en scène peine à retrouver la grâce qui l'habitait dans ses premiers films. Il nous livre, une fois de plus après le faiblard "Micmacs à Tire-Larigot" une oeuvre où la forme ne suffit pas à sauver le fond. 

Le voyage auquel nous convie Jean-Pierre Jeunet est finalement assez court, au regard de la durée du film et sa dernière demie-heure (à ranger plutôt dans la catégorie "mélo") accuse quelques passages à vide qui nuisent à l'ensemble, avant un dénouement pour le peu hâtif. Certes, le film regorge de belles images, mais la forme ne peut se substituer à un fond souvent creux. 



samedi 8 septembre 2012

Une vie moins ordinaire (1997)


Souvenez-vous, à la fin du XXème siècle, le cinéma britannique accoucha d'un petit génie, révélé par le cynique "Petits meurtres entre amis", puis confirmé par l'excellent "Trainspotting". Danny Boyle, réalisateur de ces deux pépites, céda rapidement aux sirènes d'Hollywood et, entraînant avec lui son acteur-fétiche, Ewan McGregor, prit les commandes de son premier film américain : "Une vie moins ordinaire". La descente fut à la hauteur de son ascension, puisque ce film fut le premier insuccès de son metteur en scène. En le revoyant, il y a peu, sur une des chaînes de la TNT, j'ai pensé qu'il avait toute sa place dans les colonnes de ce blog.

Dernier volet de la "Money Bag Trilogy" de Danny Boyle, "Une vie moins ordinaire" a pour héros Robert Lewis (Ewan MacGregor), technicien de surface de son état, apprenti romancier, dont le quotidien n'est guère enviable.En effet, il perd son emploi le jour où sa petite amie le quitte. Par un enchaînement de circonstances, il va se retrouver dans la peau d'un preneur d'otages, détenant Celine (Cameron Diaz), la fille de son patron (interprété par Ian Holm). Pendant ce temps, deux anges (Holly Hunter et Delroy Lindo) sont envoyés sur Terre avec un ultimatum : si Celine et Robert ne tombent pas amoureux, le ciel leur est désormais interdit.

Plutôt atypique, ce pitch, non ? Mix improbable entre la comédie romantique et le road-movie fantastique, "Une vie moins ordinaire" clôture donc la trilogie "Money bag" de Danny Boyle, consacrée au besoin incessant d'argent, commencée avec "Petits meurtres entre amis" et poursuivie avec "Trainspotting". Cela dit, les films étant totalement indépendants, je vous rassure, il n'est pas nécessaire d'avoir vu les précédents pour visionner "Une vie moins ordinaire" (pas nécessaire, certes, mais conseillé, car il s'agit de films remarquables).

Le présent long-métrage, s'il ne connut pas le triomphe qu'on aurait pu attendre, mérite pourtant qu'on s'y attarde. Certes, il ne s'agit pas d'un "grand" Boyle, mais son rythme, sa fraîcheur en font un film plus qu'intéressant. A défaut d'un ton résolument "rock'n roll" (comme pouvait l'être le superbe "Trainspotting"), nous avons affaire là à une ballade "pop", souvent amrère, parfois sucrée, mais jamais guimauve.
Certes, l'intrigue est sans doute peu surprenante (quoiqu'on sorte déjà pas mal des sentiers battus), et le propos est moins noir qu'on ne pouvait s'y attendre. Mais, s'il s'agit clairement d'un film mineur dans la carrière de son réalisateur (et de celui qui marque le début d'une pente qui n'a que récemment cessé), "Une vie moins ordinaire" reste un film qui se regarde sans déplaisir et a plutôt bien vieilli.

Pour ne rien gâcher, comme souvent avec Danny Boyle, la bande originale vaut son pesant de cacahuètes et vous ramènera quelques années en arrière, au son de R.E.M., de Beck, de The Cardigans et de Prodigy (pour ne citer qu'eux). Rien que pour le plaisir de ré-écouter ces morceaux, le film mérite un revisionnage, à mon humble avis...
Alors, pourquoi "Une vie moins ordinaire" n'a-t-il pas triomphé comme l'avaient fait les précédents opus de Boyle ? En revisionnant ce film sur lequel quelques années ont passé, on est en droit de se poser la question. Certes, on ne retrouve pas ici le punch et l'irrévérence de ses premiers films, mais le talent de mise en scène est toujours là, indéniablement. Les interprètes sont remarquables, comme toujours (même si la version française est plus préjudiciable qu'autre chose)...

L'épisode suivant dans la carrière de Danny Boyle allait être le très raté "La plage" (en pleine Dicapriomania). Il allait falloir attendre le triomphe du très beau "Slumdog millionaire" pour voir ce réalisateur sortir du purgatoire.