Affichage des articles dont le libellé est Michel Wuillermoz. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Michel Wuillermoz. Afficher tous les articles

samedi 15 août 2020

Quatre étoiles (2006)



Ce n'est pas la première fois qu'un film de Christian Vincent fait l'objet d'un billet dans ces colonnes. Après "Les enfants" et "L'hermine", c'est au tour de "Quatre étoiles", dont le casting donnait pourtant envie de se retourner. Cette fois, ce n'est plus sur le territoire du drame que l'on retrouve ce réalisateur, mais dans une comédie. "Quatre étoiles" augurait d'une belle dose de glamour, puisque prenant comme décor la Croisette. Malheureusement, ils furent peu nombreux à se rendre dans le salles pour y compter les étoiles. 

Franssou vient d'hériter d'une jolie somme et, au lieu de l'épargner ou d'investir, elle choisit de se payer un peu de bon temps sur la Côte d'Azur. Laissant pour un temps son petit ami et son travail, elle s'offre donc un séjour dans un palace cannois. Elle y fait la rencontre de Stéphane, petit escroc volubile et charmeur qui l'entraîne dans son sillage. Pour ce dernier, qui ne jure que par l'argent, la belle est une proie tentante et semble consentante, pourvu que cela sorte de l'ordinaire.

Le pitch de "Quatre étoiles" ne laisse que peu de doute sur le contenu du film : nous sommes dans une comédie qui devrait pencher du côté de la romance. Et, rapidement, la chose est entendue : Franssou et Stéphane, aussi différents soient-ils en apparence, sont faits pour se retrouver, à la fin. Le chemin sera tortueux mais cela fait partie du cahier des charges inhérent au genre. a la fois comédie romantique, donc, et hommage aux comédies américaines des années 1950, "Quatre étoiles" est de ces divertissements qui revendiquent un certain pétillement, tant dans leur décor que dans les péripéties promises à leurs personnages.

Ce cahier des charges est tenu : les deux personnages principaux ne cessent d'aller et venir d'une chambre de palace à une autre, avec un rythme qui n'est pas sans rappeler certains canons de l'âge d'or. Et, s'il donne de temps à autre l'impression de tourner en rond, il réussit presque toujours à rebondir, en grande partie grâce au charme de ses interprètes.

Ce sont surtout les acteurs qui donnent sa saveur à "Quatre étoiles". En fausse naïve, la pétillante Isabelle Carré irradie de son charme chaque scène où elle apparaît, face à un José Garcia dont le rôle (taillé sur mesure pour lui) repose essentiellement sur un bagou que le comédien maîtrise naturellement. Face à eux, dans un rôle plus secondaire, François Cluzet livre un joli numéro d'ahuri plutôt réjouissant. Pour peu qu'on apprécie ces acteurs, "Quatre étoiles" est l'occasion de passer un bon moment en leur jolie compagnie.

Avec un peu plus de cynisme, le film aurait sans doute été plus savoureux. Mais il aurait alors perdu en fraîcheur et n'aurait plus été ce bonbon acidulé qu'il est. Sans être un film mémorable, il s'agit d'un joli moment de cinéma, animé par des acteurs au meilleur de leur forme. 



vendredi 26 juin 2020

Nous trois ou rien (2015)


Souvent, les artistes décident de raconter toute ou partie de leur existence. Si l'exercice est devenu un classique en matière de littérature, le Septième Art a vu aussi fleurir quantité de biopics, mais plus rarement d'auto-biographies. Utilisant ses souvenirs d'enfance et, au passage rendant hommage au parcours de ses parents, Kheiron, dont j'avais apprécié "Mauvaises herbes", avait consacré son premier film, "Nous trois ou rien" au parcours de ceux-ci, de l'Iran à la France.  Méconnu, ce film mérite-t-il une deuxième chance ?

Hibat et Fereshteh, deux jeunes Iraniens, s'aiment et militent pour la démocratie, dans l'Iran des années 1970, dirigée par le Shah. Pour avoir défendu ses idées, Hibat passera sept ans en prison, sans pour autant perdre espoir. Quand arrive la révolution, leurs espoirs sont vite douchés : au Shah a succédé l'ayatollah Khomeini et ses mollahs. La mort dans l'âme, Fereshteh et Hibat, jeunes parents, doivent s'exiler : la France sera leur terre d'accueil. Quand ils arrivent en Seine-Saint-Denis, malgré le manque de moyens, ils s'investissent dans la vie de leur quartier. L'énergie continue de les habiter, envers et malgré tout. 

Le parcours d'Hibat et Fereshteh (c'est-à-dire celui des parents du réalisateur) force l'admiration : il est celui d'êtres humains admirables qui gardent foi en l'homme, alors qu'ils auraient tout lieu de baisser les bras et de renoncer en l'espoir. Pour autant, "Nous trois ou rien" n'est pas seulement un bel hommage à deux parents admirables. C'est aussi, et c'est la belle surprise de ce film, une comédie. Malgré le contexte, malgré le drame omniprésent, on sourit souvent, en visionnant "Nous trois ou rien". Alors que l'approche choisie par Kheiron était des plus casse-gueule, a fortiori pour un premier film, il s'avère que cette option fut la bonne, puisqu'elle livre une vraie réussite. 

Il est délicat (et c'est souvent proche de la mission impossible) d'aborder des événements douloureux
et de garder le sourire. C'est néanmoins le choix que fait Kheiron, n'hésitant pas à ponctuer les événements tragiques qui accablèrent l'Iran d'alors par des dialogues souvent piquants. On en mesure d'autant mieux le drame que fut le destin de ce pays, et la force d'âme de certains de ceux qui vécurent ces années de plomb. Ces héros anonymes et leurs compagnons (dont certains eurent une destinée tragique) sont incarnés par des acteurs visiblement heureux d'être devant la caméra de Kheiron et convaincus de la démarche entreprise. Qu'il s'agisse du maître d'oeuvre de l'entreprise (assumant le premier rôle, en plus du scénario et de la mise en scène), de la délicieuse Leïla Bekhti, d'un Gérard Darmon inattendu, pour ne citer que ces trois-là, la distribution donne vie et vigueur à cette comédie dramatique et biographique franchement réussie. 

Humain et sans doute humaniste, le cinéma de Kheiron est de celui qui redonne foi en l'humanité. Si "Nous trois ou rien" pêche par endroits, il est néanmoins une vraie bulle d'air pur dans une atmosphère souvent polluée. A ce titre, il est plus que recommandable. 


mercredi 23 janvier 2019

Le grand partage (2015)


Quel est le secret d'une comédie ? Pourquoi, des décennies plus tard, "Les aventures de Rabbi Jacob" continue à faire rire en évoquant des sujets graves, alors que "Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?" finira (je prends les paris) par être oublié ? Telle la potion magique des albums d'Astérix, ces films qui traversent le temps disposent sans doute d'un ingrédient secret. Si vous voulez mon avis, il serait temps de remettre la main sur ce composant, ne serait-ce que pour lutter contre la morosité ambiante.  En voulant traiter d'un sujet grave, à savoir le mal-logement, Alexandra Leclère, dont j'avais déjà peu goûté "Garde alternée", nous a proposé juste avant "Le grand partage"

Il fait froid, cet hiver à Paris, tant et si bien que le gouvernement décide d'imposer à ceux qui ont de la place chez eux d'héberger un ou plusieurs sans-abri. Alors, forcément, dans l'immeuble cossu où cohabitent déjà difficilement la famille Dubreuil (des bourgeois étriqués et peu épanouis) et les Bretzel (des bobos donneurs de leçon qui feraient bien de balayer devant leur porte), ça ne va pas se passer sans mal. Sans compter la concierge, militante d'extrême-droite, qui voit les nouveaux arrivants d'un mauvais œil.


Inutile de tourner autour du pot. Si vous avez vu la bande-annonce (d'ailleurs présente en bas de cet article), les scènes les plus drôles du film s'y trouvent : cela donne une idée de l'ensemble. A l'image de "Garde alternée" et de pas mal d'autres comédies (souvent françaises, il faut le reconnaître), "Le grand partage" donne l'impression qu'il a été produit sur la base de sa situation initiale, sans souci du traitement de celle-ci. C'est bien joli, d'avoir un postulat de base, mais il faut en faire quelque chose et la simple confrontation de personnages et de points de vue différents ne suffit pas forcément à générer les étincelles comiques attendues.

Pour le coup, donc, l'élément perturbateur n'est pas suffisant pour faire tourner le moteur de la comédie. C'est souvent le cas, mais en ce qui concerne "Le grand partage", c'est particulièrement flagrant. Représentatif - hélas ! - d'une grosse partie de la comédie française, ce film se contente du minimum syndical et compte faire rire avec des mécanismes éculés et franchement pas drôles.


On pourra se lamenter de retrouver certains acteurs dans pareil film :  Patrick Chesnais et Karin Viard, par exemple, gâchent leur talent dans ce film. Jackie Berroyer, Michel Wuillermoz, Didier Bourdon et Valérie Bonneton récidiveront dans "Garde Alternée". J'ai tendance à penser qu'ils savent ce qu'ils font et aurais donc peu d'indulgence, pour une fois, pour le casting de cette pantalonnade pataude.

Souvent balourd et jamais drôle, "Le grand partage" porte haut une forme de vulgarité vis-à-vis de ses personnages. Aucun d'entre eux n'est sympathique ni n'attire l'empathie. On peut en dire autant du film.









samedi 2 juin 2018

Garde alternée (2017)


Un mari, une femme, une maîtresse : on ne compte plus le nombre d'intrigues tressées autour de ce trio infernal, au théâtre, en littérature ou au cinéma. Les traitements furent si multiples qu'on pourrait penser que le filon est épuisé. Mais non, il reste des scénaristes pour exploiter le triangle amoureux. Récemment, c'est sous l'angle de la comédie qu'Alexandra Leclère (qui avait précédemment réalisé "Le grand partage") utilisa ce grand classique. Mal lui en prit, puisque "Garde alternée" ne reçut que peu de succès en salles.

Jean et Sandrine sont mariés depuis quinze ans et deux enfants. Un jour, Sandrine découvre, en fouillant le téléphone de son mari, que Jean a une maîtresse. Passée la colère, elle fait la connaissance de Virginie, sa rivale, et comprend vite ce chez elle qui a fait craquer Jean. Toutes deux décident finalement d'un nouveau fonctionnement : Jean passera alternativement une semaine sur deux dans sa famille et chez sa maîtresse. Le principal intéressé n'est pas au bout de ses peines. 

En visionnant les premières séquences de "Garde alternée", on est rapidement fixé : le film ne fait pas dans la dentelle, ni dans la finesse. Le pitch de base est plutôt gonflé et sa réalisatrice a sans doute pensé qu'il lui fallait donc un traitement qui ne fasse pas dans la demi-mesure. Mais il semble malheureusement qu'une idée un tout petit peu originale ne suffise pas à faire un film, qui plus est dans le registre de la comédie.

Une fois qu'elle a utilisé toutes ses cartouches (et la rafale est de courte durée), Alexandra Leclère ne sait visiblement plus trop quoi faire de son sujet. C'est donc à de nombreux allers-et-retours que le spectateur est contraint d'assister, le scénario ayant visiblement été bricolé sans grand souci de vraisemblance, ni de cohérence. Souvent embarrassant, rarement drôle, "Garde alternée" fait beaucoup songer à "Sept ans de mariage", dans lequel Didier Bourdon connaissait déjà les affres de l'usure du couple. 

Si les réserves que l'on peut avoir sur Didier Bourdon, visiblement cantonné à des rôles donnant dans le même domaine, et à Valérie Bonneton, forcée de passer par des scènes outrancières pour tenter d'arracher un sourire au spectateur, le reste du casting fait peine à voir. On est  bien embêté de voir des acteurs comme Michel Wuillermoz, Laurent Stocker ou la délicieuse Isabelle Carré gâcher leur indéniable talent dans cette farce plutôt grasse et pas très drôle.

Pensant sans doute tordre le vieux cliché du triangle amoureux, Alexandra Leclère livre ici un film où les facilités et les clichés abondent, faisant reposer ses effets comiques souvent en-dessous de la ceinture. Le résultat est un film sans intérêt, se voulant drôle, mais s'avérant le plus souvent gênant.


mercredi 3 juin 2015

L'affaire SK1 (2014)



Les tueurs en série, incarnations du Mal absolu, ont de longue date fasciné les cinéastes. De "M le maudit" à "Zodiac", nombre de réalisateurs se sont même emparés de l'histoire véridique de certains de ces monstres, quand d'autres filmaient les méfaits de criminels de fiction. Mais, pour fascinants qu'ils soient, ces personnages n'attirent pas forcément les foules dans les salles obscures. Ce fut le cas de "L'affaire SK1", film français relatant l'enquête et le procès de Guy Georges, le tueur de l'Est parisien.

1991, au 36 quai des Orfèvres : un jeune policier, Franck Magne, entre à la Brigade Criminelle et prend en charge l'assassinat d'une jeune femme, auquel il va vite relier d'autres meurtres restés sans suite. Année après année, se heurtant parfois à l'institution pour laquelle il travaille, Magne va mettre au jour les agissements d'un tueur en série. Tout en traquant le monstre, le jeune homme met en place une des enquêtes les plus complexes que la police française ait connu : c'est l'affaire du tueur de l'Est parisien.
2001 : Guy Georges est jugé et défendu par deux avocats, sous le regard de Magne et des policiers qui l'ont accompagné dans sa traque...

Issu du milieu de la télévision (on lui doit quelques épisodes des "Hommes de l'ombre"), Frédéric Tellier, réalisateur de "L'affaire SK1" livre ici un film qui lui tenait à cœur et auquel il consacra de nombreuses années de travail. Et le résultat est, reconnaissons-le d'emblée, à la hauteur de l'investissement. Convoquant ses illustres aînés (on pensera évidemment à des réalisateurs tels que Corneau, Melville ou Fincher), Tellier, tout en racontant une histoire dont on connait les grands traits et dont la fin n'est un secret pour personne, réussit à captiver le spectateur et à le tenir en haleine du début à la fin. Le mérite en revient à une mise en scène efficace, d'une précision chirurgicale et au ton évoquant souvent le genre documentaire. Utilisant à bon escient les lieux des drames comme décor et allant jusqu'à optimiser le grain de l'image en fonction de l'époque filmée, Frédéric Tellier, remarquablement documenté livre un véritable "Zodiac" à la française.

Face à la caméra, les interprètes de ce voyage dans le pire de ce que peut produire l'âme humaine
livrent une prestation impeccable. Raphaël Personnaz a rarement été aussi bon que dans le rôle de l'Inspecteur Magne, tandis qu'à ses côtés, l'indispensable Olivier Gourmet, à la fois figure paternelle et guide en territoire d'horreur, prouve, s'il en était besoin, l'immense talent qui l'habite.
On pourrait d'ailleurs utiliser les mêmes mots au sujet du grand Michel Vuillermoz. Le reste du casting est à l'avenant, même si j'ai quelques réserves concernant l'interprétation des deux avocats de Guy Georges (incarnés par Nathalie Baye et William Nadylam).

Alors, comment "L'affaire SK1" a-t-il pu passer à côté de son public, pour dire les choses pudiquement ? C'est une bonne question, et j'avoue peiner à y trouver des éléments de réponse. On pourra incriminer l'absence de suspense apparent de l'histoire qui nous est contée, les apparences de documentaire dont se drape parfois le film, mais ce serait lui faire un mauvais procès. Réussissant le délicat exercice d'équilibriste dans lequel bon nombre de réalisateurs auraient échoué, Frédéric Tellier livre ici un remarquable film policier, au réalisme glaçant, qui laisse un souvenir marquant à son public, aussi peu nombreux fût-il.





lundi 4 mai 2015

Le première fois que j'ai eu 20 ans (2004)


Seize ans, c'est le bel âge, pense-t-on quand ces années sont loin derrière soi. Mais, paradoxalement, quand on a seize ans, on rêve généralement au futur. Ce n'est pas la première fois que je regarde dans le rétroviseur avec une pointe de nostalgie, à l'occasion d'un film abordant cet âge souvent ingrat. Réalisé par Lorraine Lévy, "La première fois que j'ai eu 20 ans" n'avait pas rencontré son public lors de sa sortie. Cette chronique de la vie d'une adolescente des années 1960 a attiré mon attention lors d'une de ses récentes diffusions télévisées. 

Dans les années 1960, quelque part en banlieue parisienne, Hannah a bien du mal à trouver sa place. Il est difficile pour elle d'assumer sa judaïcité, son physique ingrat et sa féminité. Entre ses deux sœurs, ses parents qui l'étouffent et son ambition de se faire une place dans le jazz-band (jusque là exclusivement masculin) de son lycée, Hannah souffre d'être ce qu'elle est. 
Alors, elle s'est forgé un sacré caractère et n'hésite pas à dire leurs quatre vérités à ceux qui s'en prennent à elle. 


Lorraine Lévy, sœur du romancier Marc Lévy, et qui mit en images son livre "Mes amis, mes amours", réalisait ici son premier long métrage. Elle adaptait à l'occasion un roman de Susie Morgenstern (bien connue des collégiens), en s'en appropriant le décor et les personnages. A mi-chemin entre la comédie et le drame, elle livre ici un premier film bien imparfait, quoique sympathique. "La première fois que j'ai eu 20 ans" souffre en effet de ne pas trouver son ton, ainsi que d'une mise en scène qu'on aurait souhaité plus énergique.

On décèlera bien volontiers dans ce brouillon quelques belles idées de mise en scène et de la générosité dans le scénario, mais le fait est que tout cela est noyé dans pas mal de maladresses et pas assez mis en évidence, faute d'audace. 

Marilou Berry, malgré un potentiel évident dans ce rôle de jeune râleuse, tombe dans le piège qui consistait à reprendre peu ou prou le même rôle que celui qu'elle tenait dans "Comme une image". Elle a, depuis, fait du chemin, mais force est de reconnaître que s'attacher pareille étiquette dès ses débuts lui fut dommageable. Face à elle, on se régalera de la présence des excellents Serge Riaboukine, Michel Wuillermoz ou Catherine Jacob, ainsi que des apparitions de Pierre Arditi. Les plus jeunes membres du casting ne sont pas à la hauteur de leurs illustres aînés, mais on leur pardonnera leur manque d'expérience.

Cette chronique d'une jeune fille perdue dans sa famille et sa vie, sur fond de jazz n'a rien d'inoubliable, donc, mais ne serait-ce que pour ses acteurs, elle peut mériter le coup d’œil, quitte à être vite oubliée. 



lundi 16 mars 2015

Amour et turbulences (2013)


Nicolas Bedos ne laisse que peu de monde indifférent, à l'instar de son père, Guy. Ayant commencé sa carrière dans la télévision (en écrivant pour les autres), puis le one-man-show, avant de se frotter à l'écriture, à la radio, puis à la télévision, c'est au cinéma qu'il tente sa chance, notamment avec "Amour et Turbulences", qui ne connut pas le succès escompté. Comme quoi, il ne suffit pas de faire régulièrement le buzz pour drainer les foules dans les salles obscures. Réalisé par Alexandre Castagnetti, l'un des deux membres du groupe "La chanson du dimanche", cette comédie romantique  méritait-elle un accueil si frileux ?

Par le plus grand des hasards, Julie et Antoine se retrouvent assis l'un à côté de l'autre pour le vol qui les ramène de New York à Paris. Le problème, c'est que tous deux ont eu une relation, intense autant que chaotique, il y a quelques années, et que se retrouver pendant sept heures à côté de son ex n'est pas ce qui les réjouit le plus. Elle est idéaliste, perfectionniste, romantique. Lui est dragueur, manipulateur et collectionne les aventures. Durant le vol, ils vont, sous le regard des autres passagers, revivre leur histoire, chacun de leur point de vue.

N'importe quel habitué de ce genre de film aura vu venir de loin le canevas éculé de la comédie romantique. Je ne vous ferai pas l'injure d'en donner une nouvelle fois la recette, l'ayant déjà fait à maintes reprises. Toujours est-il que, dans le cas de "Amour et turbulences", nous ne sommes pas en territoire inconnu. Point de surprises à l'horizon, donc : la fin est connue à l'avance, c'est le chemin pour y parvenir qui intéresse le spectateur (qui, dans ce registre est souvent une spectatrice).

La part de comédie est essentiellement assurée par Jonathan Cohen, dans le rôle de l'ami d'Antoine, prêt à tout pour séduire une femme. C'est sans doute la partie la plus réussie du film, avec les quelques scènes où apparaît Clémentine Célarié, dans le rôle de la mère de Julie. Quelques autres seconds rôles émaillent l'histoire sans cependant réussir à accrocher l'intérêt : Jackie Berroyer ou Michel Vuillermoz, par exemple, sont mal exploités à un point que cela en devient agaçant. 
Pour ce qui est de la part de romance, pour prévisible qu'elle soit, elle est outrageusement centrée sur le personnage joué par Nicolas Bedos. Commençant comme un inventaire de ses travers et de ses fautes envers Julie, le scénario renverse la vapeur pour aller jusqu'à sa rédemption et en faire le véritable héros du film, quitte à laisser dans l'ombre sa voisine, Julie: Ludivine Sagnier se trouve réduite à jouer les faire-valoir et ne montre ici que peu de talent. Ce déséquilibre (et le peu de crédibilité de la dite rédemption) joue grandement en défaveur de l'histoire, et c'est sans doute le plus grand défaut du film. 

La réalisation, élégante et efficace, est quant à elle à porter au crédit du film. Pour sa première mise en scène (après qu'il ait co-réalisé "L'incruste"), Alexandre Castagnetti réussit sa part du marché : à défaut d'un scénario complètement conforme au cahier des charges du genre, il montre qu'il sait diriger une équipe et une caméra. C'est déjà beaucoup et cela lui valut sans doute de prendre en charge "Le grimoire d'Arkandias" (qui n'a pas davantage connu de succès, soit dit en passant). 

N'eut été l'omniprésence de Nicolas Bedos, "Amour et turbulences" aurait pu être complément réussi. A défaut, c'est un film qui peut se voir, mais qui laisse un petit arrière-goût de déception à son spectateur. 



mercredi 16 juillet 2014

Jamais le premier soir (2013)


Ce n'est pas la première fois que je me penche sur le sort dramatique de la comédie française, sur ce blog, essayant de comprendre pourquoi tel ou tel film n'a pas fonctionné et n'a pas rencontré le succès attendu. Souvent, c'est parce qu'en se contentant de décliner ad nauseam le même schéma (oui, Dany Boon, je pense à toi), ou qu'en transposant mollement les recettes de la romcom, les comédies (ou revendiquées comme telles) hexagonales font rarement rire, à peine sourire et provoquent souvent l'ennui. 
Sorti tout récemment, "Jamais le premier soir" prétendait appartenir, à en croire sa tagline, au genre sympathique des feel-good movies (promis, j'arrête là les anglicismes). Avec un peu plus de 800 000 entrées en salle, il ne saurait être qualifié de succès, même s'il aura, sans l'ombre d'un doute, sa séance de rattrapage sur le petit écran.

Fille dynamique, Julie s'est fait larguer par coursier interposé. Après avoir traversé une période d'abattement, sous le regard effaré de ses deux copines, elle trouve le salut dans une nouvelle philosophie de vie : "Le bonheur, ça s'apprend". Entre salons du zen, conférences de pseudo-philosophes et ouvrages donnant des leçons de vie, Julie se reconstruit, alors que Rose et Louise, ses deux amies proches, en apprennent long sur elles-mêmes. De rencontres en rencontres, toutes les trois vont devenir d'autres femmes...

Dès le générique, j'aurais du me méfier. Quand le logo "EuropaCorp" a surgi sur l'écran, un léger frisson d'angoisse m'a parcouru l'échine, mais j'ai cru bon de laisser au film le bénéfice du doute. Mal m'en a pris car, dès les premières scènes, "Jamais le premier soir" dément tous les espoirs qu'on aurait pu placer en lui.

Mené par un trio de filles oscillant sans cesse entre hystérie et jeu à côté de la plaque, "Jamais le premier soir" est une succession de clichés dramatiques. Mesdames, mesdemoiselles, vous valez mille fois mieux que ce que ce film décrit de vous. Confier le rôle principal à Alexandra Lamy était déjà une mauvaise idée, au vu du peu de talent de la fille de "Un gars, une fille". Placer en seconde ligne Mélanie Doutey (certes, très jolie) et Julie Ferrier n'arrange rien. Dans le sillage de ce trio dévastateur, le reste du casting (on citera Jean-Paul Rouve ou Michel Vuillermoz, dont on peut se demander ce qu'ils font là) boit la tasse, plombé par le jeu souvent outrancier et toujours agaçant des trois pilotes.

Ni la réalisation, ni le scénario ne sauvent "Jamais le premier soir" du naufrage. Embourbé dès le début dans une mélasse improbable sans queue ni tête, le premier (et sans doute dernier) film de Melissa Drigeard est pénible à suivre et, surtout, traite son spectateur par le mépris, accumulant scènes sans intérêt ni logique.

Il y a tromperie sur la marchandise : "Jamais le premier soir" ne vous rendra pas heureux. Ce qu'il inspire au visionnage est, au mieux, l'ennui et, plus vraisemblablement, la perte de tout espoir concernant la comédie française. A l'heure où celle-ci fait un triomphe dans les salles obscures ("Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?" louche vers les 10 millions de spectateurs), il peut paraître étrange de tenir ce discours, mais le fait est que "Jamais le premier soir" est la comédie de trop, en ce qui me concerne. C'est probablement la dernière fois que je me penche sur le sort dramatique de la comédie française. A mes yeux, celle-ci est bien trop malade pour qu'on s'acharne à lui prodiguer les soins qu'elle refuse. 


dimanche 22 septembre 2013

Des nouvelles du Bon Dieu (1995)


Lorsque l'on regarde dans le rétroviseur, on peut trouver beaucoup de charme aux décennies passées. D'un point de vue cinéphilique, les années 1990 furent, pour le septième art hexagonal, une période faste, où quantité de cinéastes prometteurs firent leurs premières armes. Parmi eux, citons les plus connus : Jacques Audiard ("Regarde les hommes tomber"), Matthieu Kassovitz ("Métisse"), Pierre Salvadori ("Cible émouvante"). Il y avait à l'époque (à mon humble avis) beaucoup plus d'audace et de créativité qu'aujourd'hui, où règne en maître le politiquement correct et, bien souvent, la bêtise la plus crasse. Si certains des réalisateurs cités précédemment ont gardé leur indépendance, d'autres ont rangé les armes et sont rentrés dans le rang.

En 1995, Didier Le Pêcheur, après un court métrage remarqué, offrit aux spectateurs un véritable OVNI cinématographique : "Des nouvelles du Bon Dieu". Après avoir remporté le Grand Prix du Festival du film d'humour de Chamrousse (auquel succèdera en 1997 le Festival de l'Alpe d'Huez), le film eut un succès d'estime : comprenez par là que les critiques l'honorèrent, mais que peu de spectateurs firent le déplacement pour aller le voir dans les salles.

Nord et Evangile se posent des questions pour le moins existentielles, depuis le suicide de leur écrivain préféré. Disposons-nous tous de notre libre artbitre ? Et si nous étions finalement des personnages de roman, sortis de l'imaginaire d'un tout puissant littérateur ?
Ne pourraient-ils pas aller voir le romancier qui décide de tout, pour lui demander de leur donner un parcours qui leur sied plus ? Ni une ni deux, bien décidés à tirer tout cela au clair, et si possible, à changer leur vie (puisqu'elle semble écrite), ils vont se tourner vers l'Eglise, quitte à s'en prendre directement au plus proche représentant de Dieu sur Terre : le Pape.

Avec un pitch aussi barré, j'ignore si, aujourd'hui, un producteur se serait risqué à financer un film. C'est donc avec un regard plein de nostalgie (et de regret aussi, parfois) qu'on reverra "Des nouvelles du Bon Dieu". Audacieux, décalé, incisif, voilà pour les qualificatifs pouvant s'appliquer à l'histoire de Nord et Evangile. Au service de cette fable plutôt rock'n roll (scénarisé par le réalisateur avec la collaboration du regretté Artus de Penguern qui fait d'ailleurs une apparition dans le film), une pléiade de comédiens livre une prestation aux petits oignons : c'est avec émotion qu'on retrouve notamment la troublante Marie Trintignant et un Jean Yanne remarquable. A leurs côtés, la trop rare Maria de Medeiros, l'excellent Michel Wuillermoz et le très télégénique Christian Charmetant s'amusent énormément : du coup, le spectateur aussi. Dans des rôles plus secondaires, les plus observateurs remarqueront la présence de Matthieu Kassovitz et de Dany Brillant (oui, vous avez bien lu, le chanteur de charme), et j'en oublie. Rien que pour le casting, le film vaut donc le détour, d'autant plus que ces acteurs sont servis par un scénario plutôt malin et suffisamment irrévérencieux pour qu'on en soit nostalgique (on appréciera les dialogues particulièrement succulents). Enfin, la réalisation, sans déployer des trésors d'inventivité, reste honorable. Que "Des nouvelles du Bon Dieu" n'ait pas plus marqué les mémoires est donc un mystère, voire une injustice.

La carrière de Didier Le Pêcheur fut ensuite sinueuse, puisqu'il se dirigea ensuite vers le film noir, avant d'être "récupéré" par la télévision (notamment pour la série "Malone" ou "No limit"). Devenu artisan au service du petit écran (celui qui gouverne bien souvent aux destinées du grand), ce réalisateur en dit finalement long, par son parcours, sur celui du septième art, qui a souvent bradé sa créativité au profit d'un formatage très en vogue. Dommage que son premier film n'ait pas, en son temps, séduit plus de spectateurs : il aurait pu suivre une toute autre carrière ou (mieux encore) faire des émules.


Ci-dessus la seule bande-annonce de ce film trouvée sur le Net, précédée (hélas) d'intempestive publicité, j'en suis navré !

mardi 10 juillet 2012

Les âmes grises (2004)




On pourrait disserter à l'infini, ou presque, sur le bien-fondé et la réussite des adaptations de roman au cinéma. Se nourrissant parfois sans vergogne des oeuvres littéraires, le septième art ne rend pas toujours justice aux livres dont il s'inspire. Combien de « Frankenstein » massacrés, de « Gentlemen extraordinaires » bâclés, pour un « L.A. Confidential » réussi ? Le romancier Philippe Claudel, auteur des remarquables « La petite fille de M. Linh » et du « Rapport de Brodeck », a vu, en 2004, son roman le plus connu, « Les âmes grises », transposé au cinéma par Yves Angelo (réalisateur du « Colonel Chabert », entre autres). Quand on connaît l'intensité des romans de Claudel, la force avec laquelle il fouaille l'âme humaine, ses bassesses et ses tourments, on pouvait douter de la pertinence d'une adaptation au cinéma de ce roman. Cependant, la dite adaptation étant l'œuvre conjointe du romancier et du réalisateur, on pouvait espérer un grand film, grave et humain, d'autant plus que le casting était à la hauteur. Pensez donc : Jacques Villeret (dans un de ses derniers rôles), Jean-Pierre Marielle, Marina Hands, Michel Wuillermoz, Denis Podalydès, et quantité de seconds rôles épatants...


Difficile de résumer en peu de mots le scénario du film (relativement fidèle au roman, soulignons-le). L'histoire des « Ames grises » se déroule sur fond de Première Guerre Mondiale. Suite à la découverte du corps sans vie d'une fillette, alors que l'enquête officielle est vite bouclée, un gendarme local en vient vite à soupçonner certains des notables du village.
Malheureusement, force est d'avouer que la subtile alchimie nécessaire à la réussite d'un film (et, bien souvent, à son succès) ne fonctionne pas. Où est passée l'intensité, la force poignante du roman ? Etait-il donc impossible transposer au grand écran l'épaisseur, l'humanité des « Ames grises » de Claudel ?



A mon humble avis (mais je reste ouvert tout débat), la faute en incombe en partie à la réalisation (dont certains choix, notamment l'utilisation ponctuelle de la caméra à l'épaule, m'ont semblé mal adaptés), mais surtout au fait que ce roman était difficile, voire impossible à adapter. En effet, dans le livre originel, la majeure partie de l'action (si l'on peut se risquer à employer ce terme) se déroule dans l'esprit et l'âme des personnages. Leurs tourments, leurs chagrins, leurs colères, pour intenses qu'elles soient, sont décrites de façon subtile et éloquente sur le papier, mais tenter de les retranscrire au grand écran est chose impossible ou presque. Et Yves Angelo s'est cassé les dents sur cette adaptation (comme bien d'autres l'auraient fait d'ailleurs, n'allez pas croire que je l'accable). Malgré de superbes décors et une distribution fabuleuse, il ne parvient qu'à livrer un film auquel il manque l'essentiel du roman : l'âme (un comble !).


Beau, mais sans ce quelque chose qui vous empoignait le coeur à la lecture du roman (déjà couvert de récompenses), ce film offre cependant un spectacle appréciable à ceux qui ont aimé le livre, tant il lui est fidèle, esthétiquement parlant. Je ne le conseille donc qu'à ceux qui ont déjà lu le roman (que je conseille à tous, d'ailleurs, comme tous les livres de Philippe Claudel), s'ils souhaitent voir ces âmes prendre (un tout petit peu) vie.